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Quand l’architecture raconte la vie en société

Anhée

Deux ouvrages pour comprendre les lieux : le Guide Architecture moderne et contemporaine 1893-2020. Namur & Luxembourg provinces et Un campus en ville. Roger Bastin et l’Université de Namur.

Deux ouvrages qui se lisent à plusieurs niveaux. Bien sûr, ils combleront les architectes et amateurs de belles constructions. Mais ils vont beaucoup plus loin que la pure analyse architecturale. Ils nous racontent la manière dont est pensée l’architecture, comment elle crée un cadre de vie, interagit avec la société .

Le Guide Architecture moderne et contemporaine 1893-2020. Namur & Luxembourg provinces est une belle brique de près de 500 pages présentant 452 réalisations dans 68 villes et communes. Bâtiments publics et privés, ouvrages d’art, espaces publics sont présentés et expliqués par 50 collaborateurs scientifiques sous la direction de Cécile Vandernoot et Jean-Paul Verleyen.

Deux objectifs à ce 5e volume de la collection publiée par la Cellule architecture de la Fédération Wallonie-Bruxelles : sensibiliser le grand public et lui faire découvrir la diversité des réalisations, d’une part, et, d’autre part, rassembler les arguments nécessaires pour valoriser un patrimoine architectural qui risque de disparaître dans l’indifférence générale.

L’ouvrage s’ouvre par une analyse territoriale de Dimitri Belayew, caractérisant les provinces de Namur et Luxembourg par ce titre : “Une capitale régionale, des petites villes et des euro-corridors en pleine mutation”. Tout un programme, un très bel éclairage.

Suivent une série de “Regards” d’auteurs par périodes. 1848-1914, marquée par le développement de l’agriculture, la construction de routes, accompagnés d’une grande dynamique de construction nationale et du lancement de chantiers de rénovation de patrimoine comme les ruines de Crèvecoeur, à Bouvignes, par exemple. Comme l’explique Marie Pirard : “Nourri par l’esthétique du pittoresque, un nouvel imaginaire est associé à l’Ardenne et à l’ensemble du territoire situé au sud du sillon Sambre-et-Meuse. Les premiers guides touristiques apparaissent. (…) Le regard collectif sur les paysages se transforme et ouvre la voie au développement touristique des décennies à venir.” Elle évoque bien sûr l’essor de la villégiature bourgeoise dans la Haute-Meuse et  la construction de grands hôtels et de villa en bord de Meuse.

1914-1945. Le début de la période est marquée par la reconstruction consécutive à la Grande Guerre. A Dinant notamment, la collégiale, l’hôtel de ville et tout le coeur de ville. Les années trente voient l’avènement des premières réserves naturelles belges, reconnaissant ces deux provinces comme lieux où préserver la santé des Belges. Infrastructures d’accueil et complexes touristiques voient donc le jour sur le territoire.

1945-1978. Après la guerre 40-45, la reconstruction passe par les édifices cultuels, mais aussi les mémoriaux, dont le Mardasson, l’essor de la petite maison quatre façades, proche de la nature, le redéploiement du tourisme en général et du tourisme social en particulier, gonflant la capacité d’accueil des centres de vacances. Période marquée également par le nouveau souffle de l’architecture régionaliste avec une nouvelle génération d’architectes, dont Roger Bastin.

1977-2020 illustre un demi-siècle de rénovation urbaine et de développement rural dans les provinces de Namur et Luxembourg. Emblématique de cette démarche, la rue des Brasseurs, à Namur, menacée dans les années ’70. La protection des coeurs de village devient aussi une préoccupation.

Des réalisations méconnues ou totalement inconnues

Une fois le cadre posé, l’ouvrage se découpe par régions agro-géographiques, commençant par Namur et terminant par la Gaume. Avouez que cela ressemble à un itinéraire d’excursion. Et pourquoi ne pas prendre ce guide comme une invitation au voyage dans notre belle Wallonie. Repérer les réalisations qui valent le détour, tout à fait subjectivement, ou très méthodiquement, c’est selon. Et puis construire le trajet à réaliser en voiture, à moto, à vélo, à pied…

On pourrait déjà passer quelques jours à Namur tant l’architecture est riche de sa diversité pour celui qui veut bien lever les yeux en marchant dans les rues et, surtout, s’écarter quelque peu de ses trajectoires habituelles… Fascinant. Mais ce serait dommage de ne pas aller voir un peu plus loin…

Wépion
Bois-de-Villers
Anhée
Couvin
Beauraing
Namur

6 coups de coeur – 6 excursions

  • Namur, quartier des Carmes
  • Namur, parlement de Wallonie et promenoir de Meuse
  • Namur, citadelle : le palais forestier (aujourd’hui maison des mariages), l’ensemble de Georges Hobé : Théâtre de verdure et stade des jeux, rejoints très bientôt par le Pavillon de la Belgique issu de l’Expo universelle de Milan 2015
  • La Meuse namuroise, de Profondeville à Gesves : piscine Le Chat lent, villas mosanes, église Saint-Roch, habitations unifamiliales qui épousent les rochers ou s’y fondent, centre culturel de La Marlagne, Moulins de Beez, témons de l’art nouveau…
  • Les Perles de la Haute-Meuse, de Dinant à Profondeville : casino de Dinant, pavillons du Roi Albert, villas, abbaye et ateliers d’art de Maredsous…
  • La Maison Malter à Couvin et la cité sociale de Mazée (Viroinval)

Une multitude d’entrées sont possibles dans cet ouvrage : villas mosanes, lieux de culte, écoles, habitations unifamiliales, art nouveau, réhabilitation de friches industrielles, entreprises… A chacun de se faire son chemin de lecture… et de balade…

Guide Architecture moderne et contemporaine 1893-2020. Namur & Luxembourg provinces, sous la direction de Jean-Paul Verleyen et Cécile Vandernoot, photographies de Nicolas Bomal, Cellule Architecture de la Fédération Wallonie-Bruxelles, 2020, 496 p., 35 €

 

Le deuxième ouvrage, Un campus en ville, nous raconte la conception et la construction du quartier universitaire à Namur par Roger Bastin, Sur base de son mémoire de fin d’études défendu en 2014, l’architecte Kevin Versailles retrace une période allant de 1969 à 1990, riche en constructions : les Facultés de droit et d’informatique, l’extension de la Faculté des sciences, la bibliothèque, la rénovation de l’Arsenal et d’autres interventions de R. Bastin.

 

“L’architecture, c’est donner une âme à la construction”

Roger Bastin

Cet ouvrage sort à l’occasion du 40e anniversaire de la Bibliothèque Moretus Plantin. Très préoccupé par le maintien de l’ancrage de l’université en ville et par l’intégration d’oeuvres d’art dans ses réalisations, Roger Bastin a réussi le pari d’une très grande compacité, intégrant beaucoup de fonctions dans peu d’espace, tout en offrant des espaces généreux. Sous des aspects austères et une logique d’économie, Bastin a tenu le pari d’un bel exemple d’architecture durable. L’exemple de la Bibliothèque Moretus Plantin est significatif : le lieu n’a pas changé en quarante ans et fonctionne toujours aussi bien, malgré l’évolution des usages.

Un campus en ville. Roger Bastin et l’Université de Namur, Kevin Versailles, Presses universitaires de Namur, 2020, 222 p., 40 €

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